Inspiration, quand tu nous rattrapes... [PV Yuu]

Deux fois en une semaine... Les mains en appui sur le rebord du lavabo dont était doté sa -luxueuse- salle de bain, le jeune homme fixait, les sourcils froncés, le bleu qui venait à peine de se former au creux de sa mâchoire, l'obligeant à serrer les dents pour éviter de sortir son habituelle ritournelle d'insultes et jurons qui finissait par s'appauvrir de vocabulaire original. S'était-il battu et ramené une blessure de guerre? Non. Loin de là. C'est seulement sa table de nuit qui lui avait violemment sauté dessus pendant son sommeil. Ou bien c'était lui qui avait glissé de son lit pour se prendre le coin de cette fameuse table de nuit dans la mâchoire. Au choix. Il n'y avait pas de témoin, la victime était inconsciente et l'accusé refuse de parler, il va falloir que le lecteur fasse son propre jugement. Mais ne nous attardons pas sur d'aussi faibles détails portant le nom de "bleu", qui était en fait pour le moment jaune... La coloration se fera plus tard. Soit, passons.
Après s'être rapidement passé une main sur les cheveux pour les arranger du mieux qu'il le pouvait -c'est à dire à peu près les aplatir pour éviter quelques épis du réveil-, il laissa ses pieds trainer pour l'emmener au bord de son lit dont la moitié des draps semblaient avoir dangereusement chuté du haut du grand matelas... Donc, ce n'était pas la table de nuit qui lui avait sauté dessus, mais bien lui qui s'était jeté contre la table de nuit. De quoi avait-il rêvé? Bonne question... Et qui n'a malheureusement pas aucune réponse potable ou glorieuse, obligeant le jeune homme à donc s'abstenir d'y réfléchir. Dormir. Encore et toujours dormir. Dans un mouvement las, ses yeux vinrent se poser sur l'écran de son réveil. Erf... 16h17. Peut-être était-ce le destin qui l'avait obligé à se réveiller. Toute la nuit, et comme chaque nuit précédent une journée de congé, il avait travaillé, peaufiné et même réécrit certaines de ses chansons, l'inspiration ne venant que le soleil couché. Malheureusement pour lui et ses fragiles heures de sommeil obligatoires.
Bon, c'est joli tout ça, mais des chansons servent à être chantées. Et ce n'est pas que le désir d'emmerder les voisins de chambre est absent, c'est juste qu'il lui faut un piano pour pouvoir écrire une mélodie moins approximative que celles qu'il avait en tête. Il enfila donc dans des mouvements lents et mal réveillés un t-shirt plutôt simple, à manche longue, tombant légèrement en dessous des fesses, un jean trouvé là et des converses aux lacets volant à leur guise. Journées de repos... Ca vaut autant pour son cerveau que pour n'importe quelle autre activité, y compris le choix habituellement stricte des vêtements qui lui prenait d'habitude peu de temps, mais trop pour un "garçon"... Préjugés pourris, va. Oublions ce détail, tout ce qu'il faut retenir, c'est qu'il traine des pieds dans le couloir principal du bâtiment, les yeux vagabondant sur ce qu'il y avait à regarder -en l'occurrence l'architecture de l'endroit car peu de monde hantait l'endroit, aujourd'hui. Quoi? Il avait raté un truc? Un évènement? Pourquoi y avait personne?? Supposons que c'est parce qu'ils dorment ou travaillent... Aaah, c'est pas facile de ne pas être aussi intelligent, pas vrai? -Attention, tu dépasses les bornes de la modestie-.

Dans un bâillement vainement retenu, Yuu poussa la porte de la salle de concert, partitions et notes ressemblant vaguement à des paroles de chanson qu'il ne s'était pris la peine de réécrire au propre. La salle était sombre, comme à son habitude, hormis la scène éclairée par quelques projecteurs, histoire de faire un peu de lumière pour voir les artistes. L'artiste en question, celui qui squattait la scène que le Numéro 4 avait décidé de squatter, était un bassiste, au style douteux. Quoique, il ne serait pas dire exactement, se trouvant à une distante, non pas importante, mais trop grande à son gout et au gout de ses yeux fatigués par sa courte nuit et son réveil brutal. La porte se referma dans un boucan métallique, n'ayant pourtant pas l'air de troubler la transe dans laquelle s'était plongé le jeune homme sous les notes de son instrument. Dans d'autres circonstances, Yuu se serait montré direct, supérieur et respecté... Mais lorsqu'on parlait de musique, le jeune homme considérait l'artiste non pas comme un être inférieur, mais comme une personne se devant être un minimum respecté.
Oui, il avait ses principes. faibles et parfois inutiles, mais il savait les maintenir en place, ce qui n'est pas donné à tout le monde. ... Bon. Il n'allait pas rester des heures debout ici, dans le noir, seul à écouter ce bassiste cherchant vainement ses notes? Si? Non. En quelques pas assurés et silencieux, il rejoignit le bord de scène pour s'y hisser avec habilité, se laissant découvrir à la lumière, le reste de la salle étant -et c'était d'autant plus visible d'où il était à présent- totalement plongée dans l'obscurité. Debout, au bord de la scène au plancher sombre, le Numéro 4 dévisageait avec curiosité le bassiste qui lui semblait connu... Mais ni le nom, ni la personnalité qui lui étaient attribués ne lui revenaient en mémoire. Et pourtant, il était sûr de le connaître, et plus il le fixait, plus il son image lui échappait. Il fallait qu'il mette le doigt dessus, sinon il n'arrivera pas à écrire le soir prochain. Les bras ballants, ses papiers usés à la main, il restait immobile. Ah. Ah! Ah, c'est revenu.

Oui, c'était revenu. Après vous me direz, dire le prénom ainsi que le nom de la personne qui est en face de vous peut-être totalement inutile. Le destinataire en question savait sûrement comment lui-même s'appelait, lui préciser à voix haute ne servait donc à rien. Mais tant pis, c'était juste pour montrer qu'il savait qui il était. Soit, sur ces mots forts intelligents, on va être "désagréables".

Le ton sur lequel il avait prononcé ces mots était suffisamment explicite, il n'avait pas à en rajouter bien que les mots qu'il n'avait prononcé lui brûlaient les lèvres. Non, ça suffit comme ça, respecte les musiciens et ils te respecteront... Ou non.

Yuu restait immobile, les bras le long du corps, sa main crispée sur ses partitions déjà bien abîmées, et les yeux ambrés parcourant de haut en bas la silhouette du jeune homme, caressant sa basse avec attention et tendresse. Le soupir qu'il avait lancé et la phrase s'en étant suivi sonnait mal à l'oreille du Numéro 4. Pourquoi? Parce qu'il n'avait pas entendu parler de Miharu ainsi, mais comme un être détestable, plein de réparties, ironisant à tout va. Cet air presque désolé et faussement lassé était difficilement crédible, laissant le jeune blond perplexe l'espace d'un court instant attendant une suite probable, logique et... Inattendue. Ce qui suivit donc le ramena plus ou moins à la réalité, se rendant compte que toute son attention s'était braquée sur le corps -je vous passe les adjectifs mélioratifs- du Numéro 3. Son regard se redirigea rapidement vers le sien, pressé, mais restant de marbre, comme il savait si bien le faire. Ca faisait beaucoup de questions en une fois... Questions futiles et inutiles, d'ailleurs, mais on évitera de le faire remarquer.
A quoi servait d'y répondre? Ca n'avait pas l'air de l'intéresser après tout, autant du côté de son côté que celui de Miharu. Les mots de ce dernier restèrent ainsi, sans retour, voletant sans but dans la salle jusqu'à s'évanouir aussi rapidement qu'elles furent prononcées. Se décidant à enfin briser le silence seulement troublé par leur respiration respective et le ronronnement de l'instrument, Yuu fit un pas, puis deux, jusqu'à les enchainer avec simplicité, se dirigeant vers le bassiste, n'ayant bougé de sa place initial, jusqu'à le dépasser, ne lui accordant pas un regard de plus. A présent, ses jambes le menèrent jusqu'à l'ampli d'où émanait ce son résonnant sous les caresses délicates du musicien. En quelques mouvements paraissant d'une facilité rivalisant avec l'habitude, il se hissa pour s'asseoir sur l'ampli en question, laissant une de ses jambe ballante -à quelques centimètres du sol seulement- tandis que l'autre se casait comme elle pouvait, coinçant son pied sous sa cuisse opposée. Son regard sombre bien qu'éclatant s'était de nouveau posé sur le Numéro 3, limitant cette fois-ci sa "surface d'exploration visuelle" à son visage... Beau visage... Soit, passons.

Ce n'était pas un ordre, ni une prière contrairement à ce que l'on pourrait croire, mais une incitation, une remarque précisant qu'il devait faire comme s'il n'était pas là. Qu'était-il en train de faire? Que voulait-il faire? Il était en train d'attendre que Miharu reprenne ses mélodies, la musique d'un autre n'étant que appréciable à l'écoute. Car, oui, bien que le jeune homme soit quelqu'un de particulièrement hautain, le 4eme Art ne le laissait jamais indifférent, qu'il vienne de lui ou d'un autre... Après tout, ce n'est qu'un échange perpétuel.
Enfin, il se décida à le lacher des yeux, reportant son attention fragile sur sa main trifouillant dans une de ses poches, cherchant désespérément un briquet, l'autre main se chargeant de trouver le paquet de cigarettes qui allait avec. Une fois les deux éléments en main, il ne se fit prier pour s'allumer ce qu'il enviait tant depuis... Waouh. Depuis plus d'une demi-heure, quand même. Le son du zippo qui s'ouvre, de la molette qui gratte, de la flamme dansante sous le souffle discret du jeune homme, le claquement du clapet du briquet de refermant soudainement et enfin, le plus important, le grésillement du tabac chantant comme une mélodie à l'oreille musicale et attendrie du Numéro 4. C'est dans un regard lassé, souligné par les traits de fatigue prononcés se dessinant sous ses yeux habituellement frôlant une perfection rare, qu'il fixa de nouveau le bassiste, clope au bec.

Il lui avait répondu. A sa question stupide qui lui demandait de préciser ce qu’il avait en tête alors qu’il s’était approché si près ? Non. Au soudain contact de leurs lèvres. Miharu aurait très bien pu avoir un penchant exclusivement féminin et repousser immédiatement le jeune blond, mais ce ne fut pas le cas. Même si cela avait été Yuu le premier des deux à joindre ainsi leurs visages, ce fut Miharu qui l’en avait incité… Bah oui, il était dingue lui de s’approcher, c’était inévitable. Surtout venant de la part du Numéro 4. Bien qu’il savait se contrôler, assez bien pour frôler la perfection de l’impassibilité, il ne fallait trop en espérer non plus, les pulsions sexuelles étant plus fortes que son propre contrôle mental. Soit, ne nous égarons pas, si je continue comme ça, je vais finir par dénoncer le peu de faiblesses que possède notre cher Yuu. Notre cher Yuu… Notre pauvre Yuu ? Si le Numéro 3 aux yeux profondément ténébreux était en train de l’embrasser, à ce moment précis, quelle en était la raison ? Probablement la même qu’ont pris bon nombre de gens comme excuse pour tenter de le violer… Il ne fallait pas croire que porter un physique aussi sombre et attrayant n’apportait que du bon. Le mal est partout, et je vous dirais bien un endroit en particulier, mais j’ai peur de choquer l’âme sensible des plus jeunes. Non, ne pense pas. Ferme les yeux et ne pense pas, comme avant.

Il lui avait répondu. Ce n’était pas dans un baiser timide comme celui d’une jeune femme incertaine ou d’un jeune garçon rougissant. Non, c’était les lèvres d’un homme à caractère, paraissant sûr de lui. Cela faisait un moment qu’il n’avait pas touché ce genre de créature… Et à chaque fois, ça s’était… « mal fini ». Dans ses gestes, dans sa façon de faire et d’embrasser, il avait pu le constater, en redemandant encore, approfondissant toujours leur baiser mouvementé. Il aimait sa façon de faire et se laissait doucement porté vers la dérision, les yeux fermés pour pouvoir profiter pleinement de la situation sans qu’il n’ait à se fouler en quoique ce soit à par répondre avec autant de fougue aux désirs semblables aux siens de Miharu. Ce qui le ramena à la réalité ? Le fait que le jeune homme soit un peu trop entreprenant aux goûts raffinés et précis du jeune blond qui lui hurlaient qu’il allait finir par se faire dominer s’il ne réagissait pas. Autant que sa frêle -mais résistante- carrure le lui permettait, il luttait en s’appuyant de sa main tenant encore ses partitions pour ne pas basculer en arrière comme l’y obligeait celui qu’il serrait contre lui d’un bras. Ce dernier s’était laissé glisser le long de sa taille pour lui caresser le dos, le long de la colonne vertébrale pour enfin passer dessous dans de brefs mouvements, prenant garde à ne pas rompre ce lien sensuel qui s’était installé dans la grande salle aussi sombre que vide. La chaleur y avait d’ailleurs pris place, encombrant la pièce de cette atmosphère soudaine, autant par leurs corps rapprochés que par les projecteurs, brûlant au-dessus de leurs têtes. Oui, fait toujours chaud sur scène.
Leurs lèvres se séparèrent. Un rien de temps. Un trop de temps. C’est à peine s’il laissa le temps à Miharu de changer sa tête de position, reprenant le plus rapidement possible le contact que leurs bouches avaient lié. Il n’osait plus ouvrir les yeux, ayant trop peur de rompre cet instant. Dans un mouvement significatif, le jeune homme l’incita à se lever, ce qu’il exécuta dans un rapide et infime saut, se retrouvant ainsi à la même hauteur que lui. A présent, leur corps pouvaient se frôler avec plus d’insistance que précédemment. La main qui agrippait avec force les pauvres papiers froissés qui étaient censés être des partitions les avait enfin lâcher pour les laisser tomber mollement et avec légèreté contre le sol au plancher noir, préférant la glisser au creux de sa nuque pour l’empêcher de rompre leur baiser une nouvelle fois. Mais il le fit. Yuu ne put s’empêcher de lâcher un grognement, rapidement troublé par le fait que le jeune homme lui avait ôté son t-shirt. Ses yeux avaient suivis son vêtement d’un air las jusqu’à ce qu’il se sente intensément regardé. Il avait vu juste : reportant son attention sur Miharu, il fut entièrement submergé par le regard qu’il lui lançait, lui faisant oublier le grognement de reproche qu’il avait poussé à peine quelques secondes plus tôt, lui faisant oublier qu’il était à moitié nu. Devait-il lui rendre ? A vrai dire, il ne s’en rendait plus compte. Son regard, bien qu’il en fut inconscient, devait se plonger avec la même intensité dans celui d’un noir profond mais avec une autre tonalité, rimant avec l’envie et le désir de l’or qu’il contenait au creux de ses yeux peu visibles mais présents. Ce fut Miharu qui reprit leur baiser, semblant ne plus tenir au fait qu’ils soient ainsi séparés, n’arrivant à se contenter de ce simple contact visuel qui paraissait pourtant intense.

Non. Il ne se laisserait pas faire.

D’une légère pression de sa main droite sur le torse de nouveau collé au sien -à présent mis à nu-, il repoussa avec fermeté l’homme qui semblait ne plus vouloir le lâcher, mettant de nouveau fin à leur échange silencieux. Sauf que cette fois-ci, Yuu ne chercha son regard, se contentant de se détacher doucement de l’étreinte du Numéro 3 et marcher en direction de son t-shirt, gisant à terre, comme délaissé pour le ramasser. Machinalement, il l’épousseta, restant le dos tourné au jeune homme aux yeux sombres, puis finit par le renfiler, prenant soins d’ébouriffer ses cheveux en désordre par… le « désordre ». Passant son regard dans ses alentours, ses yeux trouvèrent enfin ses précieuses partitions qu’il avait osé brutaliser par le désir, lesquelles il empoigna avec une certaine délicatesse et les plia de même pour enfin les glisser dans une de ses poches. Pensif. Indifférent. Tel était le Numéro 4 face à n’importe qui, n’importe quand. Quand je dis n’importe quand, je veux bien sûr souligner le fait que c’est maintenant, sur le coup.
J’ai bien dit « tel était le Numéro 4 »… Qui était le Numéro 3 ? A vrai dire, il en savait bien peu de lui -et on ne précisera pas qu’il n’en avait surtout rien à faire, s’il fallait se soucier de si peu pour avoir de la compagnie nocturne- et c’est sûrement pour ça qu’il agissait… Ainsi. Enfin, il se décida à poser ses yeux d’ambre sur le jeune homme qui « l’intriguait » tant. Ou qui l’attirait tant, à vous de choisir.

Tel qu’il connaissait Miharu -bien que peu-, il semblait fan des questions cons. Autant répondre directement à probablement une des questions qu’il était en train de se poser.
Bon, il l’avait fait tomber, mais ce serait con de foutre le feu à la salle de concert, elle pourrait toujours servir. Aaah, la voilà. La cigarette avait presque finit de se consumer toute seule et avait subi des dommages lors de sa chute des mains pourtant habiles de Yuu puis avait roulé un peu plus loin, comme pour mourir en paix. D’un pied sûr, il mit fin à ses jours dans un craquement significatif. Tant pis pour le mégot, ça ne devait pas être le seul dans la salle de toutes façons >>. Dans un haussement de sourcils, il reporta son regard sur le Numéro 3.